Editions Alternatives

Philippe Bone nous a quittés le soir de la fête des Mères. Il allait avoir soixante-quinze ans. Ce ne fut pas une surprise, ni pour nous, ni pour lui. Son esprit, comme d’habitude, était toujours aussi pétillant et curieux de tout, mais ses forces
l’abandonnaient depuis trop longtemps.
En 1973, il avait eu l’idée de passer une petite annonce dans le journal Actuel pour recruter un journaliste et publier un journal sur les « expérimentations sociales », tentatives post soixante-huitardes d’inventer une autre vie.
Le journal n’a jamais vu le jour car, à peine avions nous poussé la porte de sa drôle de boutique, proposant l’échange d’informations contre des tuyaux, de tuyaux contre des conseils, il était déjà passé à une autre idée et avait oublié sa petite annonce.
Pourtant, l’idée était bonne, et deux copains sortant d’une école de journalisme, Gérard Aimé et Patrice Aoust, vont la reprendre au vol et, toujours en compagnie de Philippe, produire les trois volumes du Catalogue des ressources (voir 1975, 1976 et 1977*) puis, peu de temps après, créer les éditions Alternatives.
Incapable de se plier à un quelconque travail salarié, mais toujours fidèle à ses convictions, Philippe restera l’électron libre voletant d’idées en projets, compagnon de route jusqu’à son dernier jour des éditions Alternatives, et surtout notre ami.

 *Les toutes dernières lignes du troisième volume du Catalogue des Ressources s'achevaient sur une réflexion sur la mort. « Il n'y a pas de mort, la mort n'est qu'un symbole du troisième circuit pour décrire la peur. [...] Quand le système nerveux cesse de fonctionner, la conscience alors à son lieu d'origine [via les neurones des cellules] : le code génétique, où est sa vraie place puisque c'est elle qui nous emporta vers cette planète et nous aidera à nous en échapper à travers l'infini stellaire pour rejoindre notre vrai “chez nous” ». Lorsque je lui rappelais cette conclusion dans le dernier mail que j'ai échangé avec lui, voici ce que Philippe, incroyablement lucide, m'a répondu : « Pour ce qui est du passage sur la mort, je m'en rappelle fort bien : c'est un extrait de ''NEURO LOGIQUE'', un des textes qui eut le plus de retentissement sur la contreculture psychédélique aux États-Unis, rédigé par ce cher Timothy (''Timothy Leary is dead?  No no he's just outside looking in!''), traduit en français, à l'époque, par les copains du journal Mainmise au Québec. »    P.A.